DSC00456

Frontière aquatique et chaleur du sud

Maxime Espagne, France 7 Commentaires

Je quitte Toulouse après m’y être reposé 4 jours en alternant visite et farniente chez l’habitant, le réseau Warmshower ayant cette fois-ci fonctionné à merveille. Toulouse, surnommée la Ville Rose par ses nombreux bâtiments en briques, me rappelle quelque peu ma ville de Fribourg. Deuxième ville étudiante de France après Paris et dotée d’une magnifique cathédrale, Toulouse est plutôt populaire et son charme reste discret au premier abord.

En chemin, je suis rattrapé par Swinde, une jeune allemande cyclocampeuse solitaire visitant la ville. Swinde revient de deux ans et demi d’un voyage qui l’aura conduit de l’Argentine à l’Alaska, puis de Lisbonne à Toulouse sur plus de 40’000 kilomètres ! Elle me relate ses expériences devant un café et j’apprends être le premier voyageur longue distance qu’elle croise depuis son retour en Europe, probablement à cause à la saison. Je note tous ses conseils d’itinéraire sur l’Espagne et reprends la route vers 13h. L’énergie dégagée de cette rencontre décuple ma motivation et j’avale 65 km sur la seule après midi.

En plein démontage du campement le matin suivant, un chasseur plus vieux que le bois de son fusil arrive à ma hauteur.

– « Ah mais vous êtes pas un chasseur ! Je croyais que vous attendiez la tourterelle »

– « Ahah non j’ai juste dormi là ! Je savais pas que c’était une zone de chasse, je risque rien non ? »

– « Avec moi vous savez y’a pas de risques, mais certains tirent pour rien ! »

Je finis de ranger mon matériel avec l’impression d’avoir rencontré le « bon » chasseur. Le reste de la journée est morose, le temps est gris et je suis fatigué. Quelques averses dans l’après midi et une nuit difficile n’arrangent rien. Au réveil, les sommets des Pyrénées se dessinent au sud et me remontent le moral. D’ici deux jours je change de pays et de langue ! A la nuit tombée, pas de place de bivouac idéale en vue. La région est très vallonnée et peu d’endroits sont à la fois plats et discrets et je campe finalement au bord de la route sur un terrain boueux. Dans ma tente, c’est Verdun. La toile tendue amplifiant le bruit de la pluie, des millions d’obus d’eau explosent dans un bruit assourdissant.

Le démontage de la tente se fait dans la précipitation tant la pluie matinale est intense. Je la range en 2-2 et ne prends même pas la peine de la mettre dans son sac étanche. Je roule deux heures jusqu’à Laruns au pied du long Col du Pourtalet (29 km), passage frontalier entre la France et l’Espagne, entre la vallée d’Ossau et la vallée de Tena. J’hésite à reporter la grimpette à des jours meilleurs….Mon impatience prend le dessus sur la raison en quelques minutes. J’assimile des forces avec un énième plat de pâtes que j’assaisonne d’une soupe instantanée Knorr – Légumes du soleil…

Ayant perdu le pari de la soupe, j’entame les premiers pourcentages sous une pluie fine. La montée se transforme vite en bataille navale tant la quantité d’eau tombée ces derniers jours est importante et les rigoles étroites. Les cours d’eau sont pour la plupart en dehors de leur lit et certains atteignent les tables de picnic des zones de repos. La chaussée est fréquemment traversée de torrents générés par des cascades se déversant directement sur la route. Les panneaux « route inondée » se succèdent, l’eau atteint parfois les rayons de mes roues ainsi que mes chaussettes ! Mon équipement étanche ne tient plus vraiment le coup et il me faut pédaler pour rester au chaud. Un sapin se couche même au milieu de la route quelques centaines de mètres devant moi ! Rapidement des personnes s’affairent autour du conifère et quand je l’atteint un passage de la taille d’une voiture y a déjà été ouvert.

Après 14 km, je fais une pause au restaurant du dernier village français sur ma route, Gabas. Le charisme de la gérante contraste avec la chaleur réconfortante de mon chocolat chaud. Je rencontre une espagnole qui me donne un contact, Jorge, apparemment capable de me trouver un hébergement à Formigal, une station de ski située quelques kilomètres après le sommet.

– « attends-le à la station service en entrant Formigal, il regardera par là bas de temps en temps vers 17h-17h30 »

Je m’attaque à la deuxième partie du col vers 15h, confiant quant à l’hébergement de ce soir. Je suis tellement trempé que la pluie ne me dérange plus. Les bornes kilométriques se distancent de plus en plus dans le temps, j’insulte copieusement la n°4 qui met un temps fou à arriver. De violentes bourrasques dans mon dos me propulsent parfois si fort que je gagne quelques mètres de côte sans avoir à pédaler !

Victoire, le sommet ! Les orteils congelés et le reste du corps grelotant, je fonce dans un café supposé posséder une cheminée. J’accote mon vélo juste assez de temps pour que le vent le renverse et que sa chute fasse sauter le pare-boue avant. A l’intérieur du café, pas de feu car plus de bois. Je m’équipe rapidement de quelques habits secs et entame la descente du col dans la nuit tombante. Note: Durant toute la montée, j’ai renoncé à prendre des photos, tout mon corps s’étant rapidement transformé en pierre philosophale de l’eau..

J’arrive à la station service de Formigal et y attends quelques minutes. Personne. De toute façon je suis en retard et cette station est bien trop loin pour qu’on puisse y voir quelque chose depuis la ville ! Au restaurant d’à côté, j’apprends que la soeur de Jorge tient une agence immobilière au centre ville. Il est 18h30 et ça commence à cailler sévère. Je trouve par miracle l’agence immobilière et la soeur de Jorge fait venir son frère qui n’a pas vraiment l’air au courant de ma venue. Aucune possibilité de logement ici, tout est fermé jusqu’en décembre ! Après quelques mots échangés, ils me dégotent par téléphone un hôtel situé dans le village voisin, Sallent de Galego.

Je m’y rends dans une nuit noire et une fois devant l’établissement, le tenancier me sort à mon grand étonnement :

– « L’hôtel est fermé, allez voir ailleurs, plus bas c’est ouvert « 

Ah ça c’est pas de chance ! Je navigue à la recherche d’une auberge allumée mais ne trouve rien. Je me décide à retourner à l’hôtel précédent en présentant cette fois-ci le bout de papier où sont inscrites les coordonnées de l’hôtel.

– « Aaaah, on est ouvert ! Entrez entrez !  » comprend-t-il enfin

– « Vous êtes ouvert ou fermé en fin de compte ? »

– « Ouvert et fermé »

La nuit à 45 € me fait mal au sac mais j’en ai vraiment besoin, il est 20h et je suis lessivé par cette journée dantesque… Le lendemain, j’inaugure ma première journée en Espagne par une longue descente en pente douce sous un soleil retrouvé. Seuls quelques nuages s’accrochent encore aux sommets pyrénéens.

J’atteins rapidement la ville de Jaca, ville départ du camino aragnonès. En cherchant l’office du tourisme, Juan Carlos remonte à ma hauteur sur son vélo. Ne parlant pas un mot d’espagnol et lui d’anglais ou de français, nous communiquons avec force gestes et sourires et je me retrouve rapidement à manger dans son salon, puis invité pour la nuit. Sa fille de 9 ans à l’anglais presque parfait nous sert d’interprète pour une visite de la ville ! Je passe finalement deux nuits chez Juan Carlos et sa famille et vis des moments forts malgré la barrière du langage.

Le matin de mon départ, j’essaie sans succès de refuser qu’il remplisse mes sacoches de nourriture: pain, gâteau aux amandes, biscuits divers, pot de miel, fruits, pâtisseries de la région et sandwichs. Il m’accompagne pour les premiers kilomètres puis au moment de se quitter me tend un bout de papier contenant le texte « Have a good travel ». Je suis très ému et lui aussi, quelle belle rencontre ! Le soir à nouveau seul dans ma tente sous la pluie, les émotions des derniers jours font remonter une certaine nostalgie de ma famille…

Commentaires 7

  1. Fla e Del

    Salut Maxime,
    super plaisir de voir photos et nouvelles de ton voyage!!! Enfin arrivés en Sardegne aprés pas mal de montée et vent contraire en Camargue et en Corse… le vélo, tu connais… mais tout a eté magnifique comme les jours partagés ensemble. Alors bonne route, on te suit encore mais via web, plus facile!! Ciao, Flavio et Delphine

    1. Post
      Author
      Maxime

      Hey Delphine & Flavio, quel plaisir de recevoir ce message. Bravo pour avoir atteint votre objectif, la montée vous l’avez cherchée en allant en Corse !
      Ciao et qui sait, à bientôt peut-être

      PS: vous devez toujours trouver un nom pour mon vélo !

  2. Babo

    Coucou !
    Une entrée chaotique en territoire espagnol et cette météo peu favorable n’ont pas l’air d’avoir entamé ta motivation! Les rencontres chaleureuses effacent d’un coup les moments plus difficiles ! Rien à mettre devant le contact humain ! « Y’a pas à discuter. »comme dirait ton grand-père !
    Continue à savourer ces moments comme une bière sur une terrasse de Najera !
    Sois prudent
    Bisous

  3. Thomas

    Ouais, pas évident le passage des montagnes… surtout quand on fonce à travers des torrents !
    Mais heureusement que tu as pu rencontrer le bon chasseur et cette adorable famille ! Des rencontres comme ça ça rend le voyage plus facile…

    Encore un fois c’est un plaisir de lire tes articles, merci ! Courage !

  4. Post
    Author
  5. Babo

    aïe aïe..la Meseta avec le froid..c’est la Sibérie ! 2-3 d’arbres suffisamment fournis pour te mettre à l’abri ? Et le sol pas trop béton où planter les sardines de ta maison ? J’espère la météo plus clémente vers Santiago. En tout cas, faut te remplumer..sinon tu vas sécher 🙂
    Bisous++++

Laisser un commentaire

Votre adresse de messagerie ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *