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Massif central, contre vents et montées

Maxime France 8 Commentaires

La sortie de Lyon par l’ouest n’est pas aussi agréable que son entrée par les berges du Rhône, je me retrouve à pousser mon vélo dans des ruelles raides à 15% et à éviter les entrées d’autoroute. Je parviens à laisser Lyon et sa banlieue après 2 heures d’efforts et navigue à nouveau dans la nature. Le dénivelé me surprend, après la Vallée du Rhône, ce brusque changement met mes jambes à l’épreuve. Depuis St-Martin-en-Haut, tout en haut des Monts-Lyonnais, j’aperçois le Mont Blanc tout de neige vêtu. Je trouve un hébergement dans une ferme isolée chez Agnès et Bernard et comptabilise ainsi ma quatrième nuit au chaud consécutive.
Je sens le besoin de me retrouver seul à nouveau.

Je rejoins difficilement le haut de colline suivante et le Château de St-Bonnet. La vue y est splendide, le vent du sud se lève et des rafales violentes soulèvent poussières et gravillons. Une modèle photo le dos à l’air se risque à poser dans le vent ! Je quitte le château avec ce foutu vent en pleine face. Il réduit ma vitesse à 5-7 km/h et me force à trouver un coin de bivouac une quinzaine de kilomètres plus loin dans une petite forêt. Les grands mélèzes m’abritent mais leur haute cime craque dans la tempête. Plus de 3h de vélo pour les 30 derniers kilomètres, je suis lessivé…

Au matin, le vent s’est calmé et je profite ainsi de la descente gagnée difficilement la veille. Je suis subjugué par la beauté automnale de la Vallée de la Loire et la fraicheur de la saison rend les ascensions supportables. Je roule les yeux grands ouverts et chante à tue-tête le refrain de « Je n’aurai pas le temps » de Michel Fugain.

Me voilà en Auvergne ! J’arrive au Puy-En-Velay, ville départ du chemin de Compostelle GR35. Sa vieille ville me charme comme le reste me laisse indifférent. Je n’y traîne pas et reprends la route vers l’ouest laissant ainsi la Vallée de Loire pour sa voisine les Gorges de l’Allier. Après une nouvelle montée éreintante dans le vent, je bivouac à Bains (à prononcer « Binsse ») dans une nuit froide et sans nuages.

Bis repetita le lendemain, j’avale les kilomètres dans une magnifique descente vers St-Privat-d’Allier, puis remonte l’autre versant jusqu’à Saugues et les Monts de la Margeride où la fameuse Bête du Gevaudan aurait été aperçue le 12 janvier 1765..

Cette bête aurait été tuée par Jean Chastel le 17 juin 1767 mais le Roi Louis XV, dérangé par l’odeur de la carcasse fort faisandée, ordonna qu’on l’enterre promptement. Le conditionnel étant de mise, je fais halte dans un gîte d’étape à Paulhac et discute avec un jeune garçon peu rassuré en me parlant de la Bête, à raison; la Bête ne croque que les femmes et les enfants… Je profite d’un copieux souper, fais sécher mes habits lavés devant le poêle puis me mets au lit seul dans un dortoir de 8.

Le lendemain après une nuit froide, le poêle s’étant rapidement éteint sous les puissants appels d’air, je continue mes enchaînements montée-descente jusqu’à Nasbinal. Le tronçon Aumont-Nasbinal fais penser à ce que l’ont raconte des étendues de patagonie, de grandes plaines de bétail balisées par des barbelés et des murs de pierre, balayés par des vents violents. Le vent que j’ai eu n’a probablement rien à envier aux grands vents d’Amérique du Sud; épuisant de face, assassin de côté, propulseur phénoménal de dos.

Après une courte escale et un chocolat chaud à Nasbinal, je gravis le Col d’Aubrac (1340 m) avant la tombée de la nuit et quitte la Lozère pour l’Aveyron. J’entame la descente sur quelques centaines de mètres et m’arrête à Aubrac, décidé à repousser la descente au lendemain. Je questionne une vieille dame sortant d’une auberge:

– « bonjour madame, vous savez où est-ce que je peux poser ma tente dans ce village ? »

– « hein ? »

– « vous savez où est-ce que je peux poser ma tente par ici ? »

– « oui oui ils tamponnent ! » me dit-elle en pointant le bistrot du doigt

– « non non ce que je veux dire, c’est est-ce que vous connaissez un endroit pour mettre ma tente ? »

– « oooooh »

Un homme vient à ma rescousse et m’indique une place d’herbe devant l’église. Je sardine ma tente au maximum et espère qu’elle ne s’envolera pas ! La nuit est étonnement chaude, je transpire et enlève quelques couches vêtues en prévision.

Au matin, je quitte Aubrac et avale les 25 km de descente en 40min jusqu’à Espalion, ville touristique à cheval sur le Lot. Je glande quelques heures dans une salon de thé/boulangerie et profite des délicieuses pâtisseries françaises dont j’ai déjà oublié les noms. Sur le point de repartir, je distingue au loin un château perché sur une colline abrupte. Il n’est pas sur mon chemin mais je me sens l’âme d’un assaillant. Je pointe l’ennemi du doigt, motive mon destrier et charge à l’assaut du fort en moulinant des étriers. Arrivée à la moitié du parcours, ma monture d’acier n’en peut plus ! J’abandonne cette mauviette et, à deux doigts de lui faire payer cet affront d’un coup de canif dans le caoutchouc, je termine le chemin à pied armé de mon optique. En haut, le pont-levis est levé et un panneau scelle définitivement mon histoire « Ouverture à 14h, Adulte 7€ » . Qu’importe le but, l’essentiel c’est le chemin.

Commentaires 8

  1. Laurence

    ahhh le vent qui souffle sur nos têtes et s’enroule dans nos cheveux (peut-être pas les tiens 😉 ). Léger comme l’air, il soulève bien des pensées… Bon vent et bonne continuation !

  2. sylviane

    Hello,
    je vois que la nuit n’a pas été trop froide et contrairement aux prévisions météos, le lendemain a été sans pluie
    Bonne continuation dans votre périple, on prendra le temps de regarder votre blog.
    Rencontre à Aubrac

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  3. Thomas

    Ah ouais, les montées-descentes-montées ça tue les jambes… Ca me rappelle le Gros de Vaud, même si je pense que là c’était pire 😀

    Super texte en tous cas et magnifiques photos, ça vaut la peine de se casser les mollets. La mauviette savait sûrement pour le château, c’est pour ça qu’elle a abandonné !

    Mention spéciale à la dame d’Aubrac avec son « ils tamponnent » ! Je suppose qu’elle parlait des pélerins de Compostelle ?

    Tu dois être tout près de Toulouse maintenant si tu y es pas encore, non ?

    Allez bon vent (si j’ose dire) !

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      Maxime

      ça tue les jambes, mais tout est oublié sitôt au sommet !
      Je suis arrivé à Toulouse le 29, les deux dernières journées ont été un peu plus longues et monotones, je préfère quand même le dénivelé à la plaine 🙂

      Oui la dame parlait des tampons que l’on collectionnes en tant que pèlerins de Compostelle…mais c’était pas vraiment ma préoccupation du moment 😀

  4. julien

    Salut Maxime,

    Je suis surpris de savoir que tu as répondu à mon mail de juillet dernier, car je n’ai pas été averti via ma boite mail du coup j’avais totalement oublié t’avoir écris…
    C’est en fouinant sur le web que je suis retombé sur ton site!
    Bref du coup je vais le mettre dans mes favoris, car cela m’intéresse de savoir comment tu vas t’adapter à ce nouveau mode de vie mais surtout à ce moyen de locomotion qui est le vélo! je suis toujours dans mes préparatifs intellectuels seulement pour le moment concernant un projet similaire au tiens.
    Mais je doute toujours un peu lorsqu’il s’agit de choisir la façon qui me correspond le mieux pour un tel périple, autrement dit choisir de partir à pied ou à vélo?
    Je suis actuellement sur Toulouse, peut-être comptes-tu rester encore quelques jours? je connais un bistrot à 3 euros la pinte! -)

    1. Post
      Author
      Maxime

      peut-être avais-je mal configuré mon site pour l’avertissement par mail. Je suis hébergé dans la périphérie de Toulouse jusqu’à vendredi, après je pense reprendre la route. Cela dit, pour une pinte à 3 euros, je peux bien décaler d’un jour si nécessaire ! 🙂

  5. Raynald

    C’est vrai que le vent à vélo, ça tue 3 fois sur 4 comme tu le dis mais on devient addict, n’est ce pas ?
    C’est vraiment sympa de pouvoir partager un bout de chemin avec toi et ton blog, merci.
    A bientot au prochain article.

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