Quelques virages dans les Andes

Maxime Argentine, Chili 2 Commentaires

Difficile de faire décrocher Dallas de son ordinateur et du WiFi de la station service où nous avons passé la nuit et nous ne levons le camp qu’à la mi-journée. Nous roulons plein ouest en direction du mur à l’allure infranchissable délimitant le Chili et l’Argentine et nous nous demandons tous les deux comment nos corps vont réagir à la haute altitude.

Contrairement aux majeurs cols Alpins qui proposent une seule montée abrupte suivie d’une seule descente, bon nombre des routes traversant les Andes sont longues et constituées de petits « cols ». Exception à la règle pour ma première, le col Agua Negra (4800m) se présente après 90 km de montée et s’en suit une belle descente jusqu’à Vicuna. Pas d’exception à la règle pour le vent qui vient de l’ouest, toujours, toujours.

Le mal des montagne me gagne en début de soirée alors que nous campons à 4100 mètres. Pas d’appétit (et dieu sait que c’est rare !), maux de tête, vertiges, peine à trouver le sommeil…je croise les doigts pour que cela n’empire pas sans quoi je devrai redescendre. Heureusement la situation s’améliore durant la nuit et je me sens en forme au réveil. Le manque d’oxygène se fait vraiment sentir après 4500 mètres, mes jambes se fatiguent rapidement, mon souffle se raccourci. Et le vent, encore lui, le cauchemar que vous lisez dans toutes mes histoires, souffle bien évidemment plein est, de face, de face, de face. La route rocailleuse ralenti encore la progression mais le fait de se concentrer pour ne pas tomber fait passer le temps plus vite. Le paysage est à couper le souffle, désertique, immense…Le sommet arrive rapidement, nous prenons les photos d’usage puis plongeons vers l’océan pacifique jusqu’à La Serena.

Tout juste arrivé au Chili et l’Argentine me manque déjà. Le rapport qualité prix s’inverse, les sourires et l’hospitalité se raréfient, on paie presque toujours avant de consommer. Je ne veux pas traîner à La Serena et nous nous séparons avec Dallas.

La Panaméricaine (route fameuse pour son trafic et sa monotonie) file le long de la côte de La Serena à Copiapo. Loin de moi l’idée de mourir d’ennui, je saute dans un bus pour rejoindre Copiapo et le départ d’une nouvelle traversée des Andes. Mon ticket de bus coûte 10 dollars mais le chauffeur, un abruti au sourire hypocrite et aux yeux qui ne me regardent pas, m’en demande 20 de plus pour mon vélo. J’argumente que c’est totalement illogique et je m’en tire à devoir payer 8 dollars. Dans ma fierté d’avoir le dernier mot j’obtiens un sandwich supplémentaire en arguant que pour le prix, mon vélo y a aussi droit.

Prochain col sur ma route, le col San Francisco marque mon entrée dans les paysages de la Puna et me ramène vers l’Argentine. Douce ascension de 150km sur deux jours puis à court d’eau et à la recherche d’un abri contre le vent, je m’aventure dans un campement de mineurs à 3200m. L’endroit semble avoir été déserté en vitesse et il y règne une ambiance d’un village fantôme. Les portes de casiers de vestiaires claquent au rythme du vent… La nuit tombe et j’hésite à profiter d’une des chambres restée ouverte quand j’entend la télé dans le bâtiment d’à côté. La mine est fermée temporairement et le campement est surveillé jour et nuit par un garde qui a vraiment l’air de s’ennuyer. Il m’invite à l’intérieur et m’offre une chambre, une douche et même du WiFi !

Je passe la nuit suivante sur un bon matelas au poste de douane chilien (SAG) à côté du Salar de Maricunga. A 9h, heure d’ouverture de la frontière, j’attends qu’un douanier se pointe pour faire tamponner ma sortie du Chili. Personne. Mince moi qui voulait partir tôt. 9h15 toujours personne, je peste sur ces fonctionnaires pas à l’heure. 9h30 je fais le tour des baraquements aux alentours, mais pas âme qui vive. 9h55 un gars se pointe café à la main…et m’apprend que le Chili est passé à l’heure d’hiver il y a presque une semaine ! Je taille la route sitôt mon tampon de sortie obtenu.

Dans la lumière rasante du crépuscule, la laguna verde est splendide et après 80km de ripio, le refuge s’y trouvant est providence. Mon corps n’est pas encore habitué à l’altitude et j’ai de la peine à trouver le sommeil à 4400m. Le lendemain le puissant vent m’aide à gravir les 350m restants jusqu’au sommet. Mon pied droit est resté à l’ombre durant l’ascension et est totalement glacé. Mes chaussures de sport très aérées ne sont vraiment pas adaptées au froid et je me retrouve à rôtir mes orteils congelés sur mon réchaud…

« La montagne, ça vous gagne. » Bien vrai. A peine retourné dans la plaine après 190 km d’une descente ahurissante, je monte dans un bus pour rejoindre Salta et me prépare à traverser une nouvelle fois les Andes. Deux possibilités pour repasser au Chili: le col Jama dont l’asphalte assure une montée régulière et son trafic une présence humaine rassurante ou le col Sico, plus long, majoritairement constitué de ripio, où le trafic y est quasi inexistant et paraitrait-il plus beau. Autant faire les choses à fond…vas-y pour le deuxième chemin.

Je rejoins facilement San Antonio de Los Cobres l’une des plus haute haute ville d’Argentine à 3800m et passe la nuit derrière l’église. Prochain contact avec l’asphalte à Socaire au Chili à 250km. Dans une premier temps, la route suit grossièrement l’ancienne voie ferrée du Tran a las Nubes (Train des Nuages), devenue voie touristique partiellement exploitée par une entreprise privée proposant au gringo fortuné des paysages magnifiques. Première nuit dans le village d’Olacapato à côté de la gare désaffectée. La nuit est froide, même glaciale et ma poche à eau de 10L est gelée le matin. Chocolat chaud dans ma popote (eau-cacao-sucre) et c’est reparti sous un ciel sans nuages. La route se détériore progressivement, le fameux vent d’ouest s’invite à ma fête. Je pousse mon vélo en descente dans le sable. La piste est impraticable par endroit, mon vélo surchargé par 8 jours de nourriture s’enfonce. Plus de 5h de vélo et tout juste 45 kilomètres dans la journée, je suis claqué quand j’atteins le « village » de Catua. Nuit à l’abri du vent hurlant dans l’église… « meurciiii peutiiiiit jésuuuuus ».

Mon sens de l’orientation s’est amélioré depuis 8 mois c’est clair et net, mais j’arrive quand même à rallonger ma route de 18 kilomètres en confondant un complexe électrique avec la douane argentine. Je rencontre Nicolas, un p’tit jeune mexicain de 19 ans traversant l’Amérique du Sud et nous taillons la route (dans la bonne direction cette fois) ensemble. Une dizaine de personnes travaillent à la douane pour contrôler la voiture quotidienne (et encore…) s’aventurant sur cette route. Ping-pong et Aasado sont de mises. Optimisation des ressources quand tu nous tiens.

La route grimpe sur une vingtaine de km pour atteindre 4600 mètres mais un vent d’orage digne du pamperos tente de nous garder en Argentine. La température chute très rapidement sitôt qu’un nuage cache le soleil. En choisissant cette cette route, je savais que ça serait difficile mais pas à ce point. Les conditions climatiques ont transformé cette section en un veritable test physique (et mental passé un certain point), de loin la journée la plus dure de tout mon périple autour du monde. 25 kilomètres en 5h30, la température pas loin de 0°, poussage du vélo, des pauses tous les 20 mètres… heureusement pas de pluie ! Au bout du rouleau je retrouve Nicolas arrivé un peu plus tôt au poste de douane (SAG) chilien où il nous a dégoté une place pour dormir. Le douanier s’étonne que ses compères argentins nous aient laissé nous aventurer sur cette route par un pareil temps.

On repart le lendemain (après s’être fait confisquer nos produits frais comme à chaque entrée au Chili) et faisons escale à un campement de mineurs où je compte m arrêter un jour pour me reposer. On nous déconseille de trainer par ici car l’orage se pointe et la neige risque de nous bloquer pour plusieurs jours. On trace jusqu’au Salar d’Agua Caliente (mais pas d’eau chaude à l’horizon !) à 3900m et y campons à l’abri du vent derrière des rochers.

Retour à la civilisation à San Pedro de Atacama deux jours plus tard, la ville la plus touristique visitée de ma vie. On s’y repose quelques jours et partons en stop pour le supermarché de Calama (ville la plus moche du Chili, d’après les chiliens) pour faire le plein de produits introuvables à San Pedro. Les prochains jours s’annoncent également bien difficiles avec la route des lagunas et le sud lipez en Bolivie…

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