Relance en duo et arsouille chrétienne

Maxime France, Suisse 8 Commentaires

Lussy, 30 avril 2016.

Comme en octobre 2013, mon périple démarre un samedi maussade à 11 heures. Je suis accompagné de Leïla l’homosapienne avec qui je partage plus que la langue et la bipédie et nous pédalons en direction du Jura par les petites routes fribourgeoise et vaudoises, parfois si petites qu’elles nous font faire demi-tour. La pluie fine commence à tomber en soirée et accompagne notre escale en forêt rendant la cuisine moins chaleureuse que la nuit. On débarque le jour suivant à St-Imier en train depuis Neuchâtel afin d’éviter un col sous la pluie et ménager une paire de cuisses. La ville semble éteinte, désertée. La haute horlogerie du coin est impuissante à rythmer la morosité des dimanches pluvieux. Le ciel bas et lourd comme un couvercle descend progressivement sur les toitures des bâtiments aux murs usés. Après quelques coups de pédale nous ramenant à l’endroit initial, on dégotte l’adresse de l’unique hôtel grâce à la serveuse du mini café-magasin de la gare et transformons la chambre en séchoir. Depuis la vitre du restaurant de l’hôtel, je distingue ce qui restera le temps fort de St-Imier: le néon resté allumé de l’enseigne violette de Charles Vögele.

Mise en jambe forcée le lendemain matin avec les 400 mètres de dénivelé du col du Mont-Crosin sous une brume résiduelle. La montée est régulière mais éprouvante pour l’organisme multicellulaire s’initiant au voyage à vélo. Les corps perlent et les écarts s’allongent. On atteint finalement le camping de Saignelégier en milieu de journée et nous nous improvisons boulangers. Malgré le climat Jurassien la pâte à pain lève honorablement dans un bain-marie réalisé avec deux casseroles mais l’expérience ne va pas plus loin, la cuisson au réchaud se révèle un échec cuisant.

La route nous emmenant jusqu’à Porrentruy est très belle avec peu de trafic mais la grêle et le vent de face nous forcent pendant un instant à nous abriter dans une station service. On rejoint dans l’après-midi la maison de des parents de Michaël, un autre cyclo-voyageur avec qui j’ai rendez-vous en Allemagne en Mai. Le chaleureux et confortable accueil que l’on reçoit est revigorant. Le lendemain nous nous séparons tristement avec Leïla, qui s’apprête également à partir en solitaire dans quelques semaines et nous nous donnons rendez-vous d’ici l’automne dans l’Est de l’Europe. Je roule en direction du Parc des Vosges et quitte la Suisse en peu de temps.

En gravissant jeudi les douze kilomètres menant au col du Ballon d’Alsace, je suis régulièrement dépassé par des dizaines de motards chrétiens réalisant leur sainte Ascension dont les plus crétins poursuivent Jésus. La route depuis le Sud-Est offre peu de points de vue dégagés et le soleil au zénith écrase malheureusement le relief. Les quelques jours suivants se passent dans les campagnes très vallonnées de Lorraine et de Moselle et me marquent plus la peau par le manque d’ombre que l’esprit tant les villages sont fantômes en ce long week-end et les cultures de céréales, de fourrage et de colza barbantes.

En fin d’après midi à la recherche d’un emplacement pour camper, je pars en exploration à pied dans une forêt aménagée pour la chasse. Ah la chasse, quel sport d’adresse ! Ici le terrain est spécialement organisé pour assurer une parfaite équité entre tous les participants bipèdes. La parcelle est défrichée en échiquier dont les passages sont suffisamment larges pour les quads des chasseurs et les îlots de forêt en résultant sont éclaircis et numérotés. Un mirador est construit à une intersection et permet de flinguer le marcassin sans se salir les pieds ou de s’y blottir à l’arrivée de la laie. Le sanglier tricheur fuyant la zone réglementaire et saccageant dès lors les champs délimitant le terrain de jeu sera de facto mis hors jeu par un arbitre haut perché. Carton rouge.

La monotonie des derniers jours, la reprise du voyage en solitaire après l’étape géniale avec Leïla ainsi que l’attente latente, pourtant aveuglante, de revivre les mêmes situations que lors du dernier voyage affectent mon moral et me motivent à changer dès maintenant de paysages et de langue. Je bifurque sur la piste cyclable longeant la Sarre pour rejoindre l’Allemagne et bivouaque entre ladite rivière et son canal dans une haie en hauteur tout juste assez large pour y loger ma tente. Tout juste entré dans Saarbrücken, je fais la connaissance de Ju’ qui m’oriente vers l’office du tourisme puis m’invite généreusement à manger dans son restaurant du centre ville. Après dix jours de vélo, j’en passe trois en tant que piéton à me reposer et à laisser passer le mauvais temps.

La prochaine étape consistera vraisemblablement à continuer le long de la Sarre et de la Moselle, puis du Rhin en compagnie de Michaël. A ce propos, je vous invite à aller faire un tour sur son site mica.bike

Commentaires 8

  1. Thomas

    Ahhhh le temps fort de St-Imier, séquence émotion ! Incroyable le coup de la forêt quadrillée, j’espère que les sangliers s’amusent aussi, avec une aussi magnifique infrastructure ils seraient bien ingrats de faire la gueule.

    Vu la météo à laquelle vous avez eu droit tu dois être content que l’été approche ;)… Mais t’inquiète pas, la solide biè… gastronomie germanique va te pousser le moral vers le haut ! Pendant que tu es encore dans la région, oublie pas d’essayer les Weißwürste mit Bretzel und süßem Senf (attention y a une technique pour enlever le boyau) !

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  2. Claudi

    Cher Maxime , je voulais te demander de me filer ton vélo pour quelques jours en Suisse ,mais voila que le noir, avec son propiétaire, sont déja loin. Je vois que comme d’habitude tu pars en cherchant la pluie au lieu du soleil ( bien fait , il y aura moins de turistes ) . Quel est ton objectif cette fois?
    Tu sais que ton assistant vélo mondial est lá pour t’assister quand il te faudra te décider entre un paquebot pour la Chine ou un train pour la Mongolie, enfin je te souhaite de vivre tes rêves et á ta disposition pour assitance voyage. CLAUDIASSISTANCEVOYAGE

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      Maxime

      Salut Claudi !
      le cargo est sur ma liste de choses à faire. ça fait déjà 3 fois que j’essaie d’organiser quelque chose !
      L’objectif est d’aller au nord, peut-être jusqu’au Cap Nord par la Norvège – Suède. Ensuite je redescends en Europe de l’Est par la Finlande avant d’aviser 🙂
      Merci pour ton message et à bientôt !

  3. Aglaé

    Max!!!!!! Trop chouette de te savoir sur les routes à vélo 🙂 J’aimerais être un petit oiseau pour te voir vivre à fond cette quête de la liberté et le désire de se retrouver.
    Que cette aventure t’apporte tout ce qu’il y a de plus beau , du BONHEUR !
    Ah oui et des rencontres aussi top que la nôtre (dure à battre) hi hi hi
    Je t’embrasse xx

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      Maxime

      Retrouver les repère a pris un peu de temps mais la routine agréable est de retour.
      Merci pour ton message et bon voyage à vous deux et j’espère sincèrement vous recroiser un jour !

  4. yohan

    Max, départ pluvieux, voyage heureux!!! Vraiment cool de te savoir repartit. Nous nous sommes presque prêt…….
    Bonne route….

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      Maxime

      Yop Yohan !
      merci pour ton message venant depuis 6000 km héhé. Je n’arrive pas à ouvrir votre blog, ce n’est plus la même adresse ?
      Bon voyage

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