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Transversale jacquaire

Maxime Espagne 7 Commentaires

Il aura suffit d’un détour suite à un énième panneau carretara cortada (route barrée) et d’une flamme de briquet sur une cigarette pour me retrouver hébergé à Pampelune chez Emilio et Malika. Pampelune, Iruña en basque, est la capitale de la communauté de Navarre. Elle est très connue pour ses fortifications et ses Fêtes de San Fermin lors desquelles ont lieu les encierro.
Les taureaux qui combattront le soir sont lâchés dans les rues de la vieille ville et canalisés jusqu’à l’arène !

Je dîne le soir en compagnie des parents d’Emilio. Son père a travaillé durant quelques années en Allemagne et n’a pas perdu certaines habitudes germaniques. Mon sportif vin rouge ne se vide jamais. Mon décaféiné du soir se transforme en café luz sans crier gare, tellement luz qu’il m’apparait transparent.

– « Schnaps ! » se marre-t-il en me regardant

Le lendemain, je ne roule qu’une poignée de kilomètre et m’abrite à chaque averse car la pluie commence à me taper sérieusement sur le système. Je rejoins Puenta-La-Reina, ville départ du Camino Francès, et tente l’expérience d’une auberge de pèlerins à 5€. A mon grand étonnement pour la saison, l’auberge est déjà presque pleine mais je dégotte tout de même une place dans un dortoir de 8. Je rencontre des pèlerins divers et variés. Le coréen Yoon relie à pied les extrémités de l’Europe, d’Istanbul à Finistère. L’américain Bill, quasi septuagénaire, marche vers Santiago pour la deuxième fois en deux ans. Je lui offre un quartier d’orange quand je le vois se nourrir de chips et de bacon ! Il y a aussi un allemand et sa fille de 6 ans partant pour dix mois de voyage à vélo pour réaliser l’aller-retour Dresde-Gibraltar ! Nous parlons technique en germano-anglo-francais.

Je mange attablé aux côtés Giorgio, un italien au français parfait se baladant en Europe à vélo pendant un an, et nous décidons de rouler ensemble. La journée se déroule sans accroches et nous bivouaquons à côté d’une vigne vers El Busto, petit village presque désert sans ni commerces ni point d’eau. Nous nous remplissons la panse du raisin rescapé des vendanges et reprenons la route.

Nous entrons et sortons de Logroño, capitale de la province de La Rioja, par quelques kilomètres intenses sur ce qui a tout l’air d’être une autoroute ! A la première aire de repos, nous bifurquons sains et saufs sur un chemin pour BTT (Bicicleta todos terreno) à travers les vignes…Nous atteignons à la tombée de la nuit le Donativo de Najera, auberge où chaque pèlerins donne ce que son budget lui permet. Le dortoir est immense, plus de 100 couchettes superposées dans la même pièce dont la moitié sont déjà occupées. Je me vois attribuer le lit n°83 par le gérant à l’air un peu miliaire. Oui chef ! A 22h, la lumière s’éteint automatiquement…j’en profite pour quitter mon lit trop petit pour moi et aller m’étaler sur deux couchettes dans le fond. Le matin, nous sommes les derniers à partir, la plupart des marcheurs quittant les auberges dès l’aube pour avaler 7 ou 8 heures de marche. Une légère pluie célèbre notre départ.

– « La pluie du matin n’arrête pas le pèlerin ! » nous dit le dernier marcheur

Nous gravissons le Col de Pedraja à 1130m sous une pluie battante.  A 17h, la nuit commence à tomber et nous trouvons porte close au gîte prévu. Nous dressons le camp dans un bois à côté d’un monastère et réchauffons nos orteils congelés auprès d’un feu de bois, en grillant des saucisses industrielles farcies au fromage au goût très proche de mon cervelas national ! L’altitude, la température glaciale et le vent annoncent notre entrée dans la Meseta, haut-plateau du centre de l’Espagne.

Nous atteignons facilement Fromista quelques 110 kilomètres plus loin grâce à un vent puissant dans notre dos et traversons d’immenses plaines bordées de champs d’éoliennes. Par 0°C et emmitouflés dans nos habits chauds (sauf les pieds !), nous cuisinons assis dans l’herbe et engloutissons notre ration quotidienne de pâtes. La lune presque pleine gâche quelque peu un magnifique ciel.

Nous nous octroyons un jour de repos dans dans l’auberge municipale de Sahagún, ville géographiquement au centre du Chemin de Compostelle. Avec 6 dortoirs de 3 lits et un grand salon, il y règne une ambiance de collocation. Nous partageons la première nuit avec Moussa, accompagnateur à Ribinad, une association proposant des séjours de ruptures aux jeunes en difficultés socialement. Moussa accompagne son « jeune » jusqu’à Santiago sur 500 kilomètres, tantôt à pied ses côtés, tantôt à distance en voiture. Je m’attelle à quelques réparations et entretien du vélo. La fermeture d’une de mes sacoche avant commence à se découdre et m’oblige à jouer les couturier à 4 sous pour stopper l’hémorragie.

Nous quittons Sahagún non sans emporter notre omelette géante cuisinée la veille. La température extérieure nous permet de conserver facilement notre nourriture et de savourer du chocolat croquant à n’importe quelle heure ! Une interminable route toute droite le vent dans la gueule nous conduit jusqu’à Leon où nous changeons heureusement de cap. Le lendemain, nous dégivrons la tente et les sacoches et continuons vers Astorga par une route à toujours aussi rectiligne…

– « On va ptetre croiser Moussa et son jeune ! Il l’a rejoint avant-hier soir à Leon en voiture… »

– « Ouais, si ça se trouve c’est eux à droite…hé mais oui c’est eux ! incroyable ! »

Nous échangeons quelques mots de cette rencontre improbable et repartons, il est presque midi et nous rentrons dans le massif des Monts de Leon.

L’objectif du jour est le Col de Foncebadon (1504 m) et son monumental calvaire, la Cruz Del Ferro, implanté au sommet. La montée commence en pente douce pour finir par des déclivités particulièrement dures. Le paysage change à l’ouest, l’érosions et la verdure nous annonce une entrée prochaine en Galice ! Au sommet nous jetons notre deuxième pierre au pied de la Cruz Del Ferro – la première ayant atterrit par erreur au pied d’un autre calvaire – et campons dans un abri. Nous descendons prudemment l’autre versant jusqu’à Ponferrada dans un épais brouillard sur une chaussée étroite parsemée de nombreux gravillons.

A nouveau en plaine, nous portons nos vélos puis nos sacoches en contrebas de la route et bivouaquons au bord du Bierzo avec l’idée de pêcher notre repas. Sans la trace d’une nageoire à l’horizon, la tentative est vite avortée. L’enthousiasme retombe encore quand Giorgio me dit:

– « Mince, j’ai crois qu’on m’a volé ma sacoche arrière, j’ai oublié de la descendre et elle n’est plus au bord de la route »

Ni une ni deux Giorgio fonce dans la nuit à l’auberge de pèlerins la plus proche en espérant que quelqu’un y ait ramené la sacoche arborant la coquille de Saint-Jacques. Il revient les mains vides…mince. On déconne en faisant le deuil du pot de confiture. Nous plions le camp à l’aube dans une ambiance morose. Providence cent mètres plus loin, la sacoche y a été téléportée et n’a visiblement pas été fouillée ! Nous célébrons ce coup de chance par l’ascension matinale du col de Cebreiro. A 13h nous sommes au sommet et profitons de 16 kilomètres d’une magnifique descente dans les paysages de Galice.

Nous attaquons le lendemain l’étape très vallonée de Sarria à Mélide et passons la nuit dans les ruines d’un entrepôt de paille. Abrité par un toit relativement en bon état, je profite pour dormir à la belle étoile mais me réveille chaque heure pour regonfler mon matelas percé ! Nous levons le camp à 7h30 dans la nuit afin d’arriver à Santiago le plus tôt possible. Pour un mois de novembre, la concentration de pèlerins sur les derniers kilomètres est impressionnante et nous somme pressé de trouver une auberge. Après une semaine à dormir dehors, nous nous offrons quelques jours de repos et une bonne douche…

Le chemin de Compostelle est derrière moi, je vais rouler jusqu’à Finistère où je ferai l’impasse sur la tradition d’y brûler ses habits !

Commentaires 7

  1. Raynald

    Salut Maxime,
    Tu me redonnes trop envie de recommencer. Je me rappelle ces paysages et ces couleurs : trop trop beau !!!
    A la cruz de Ferro, il y avait 5 cms de glaces sur la route et les vélos glissaient en travers de la route poussés par le vent !!!! C’était autour d’un 15 avril !!!!
    Merci de nous faire voyager dans nos esprits.
    Buen camino hacia Fisterra.

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      Maxime

      autant parfois il n’y a rien à voir, autant d’autres fois les paysages sont grandioses. La neige nous a suivi sans jamais nous rattraper et la route n’était que légèrement verglacée par endroit au col du Cebreiro !

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  2. Thomas

    Oho ! La photo du cimetière my god on dirait un film de zombies !

    Bon en tous cas tu avances bien ! Fais attention quand même, apparemment le verglas est pas impossible dans ces coins-là… Mais maintenant tu vas rouler au bord de l’océan ou quoi ?

    Pis si tu as besoin qu’on t’envoie quelque chose pour réparer ta natte ou tes sacoches, hésite pas à demander c’est avec plaisir. Mais bon je pense que tu trouveras plus vite sur place… Enfin dis-nous !

    Allez, continue à nous faire rêver avec tes photos !

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      Maxime

      je pensais rouler au bord de l’eau, mais la côte galicienne est bien montagneuse. Beaucoup de montée-descente et l’océan apparait de temps en temps à droite… Sitôt au Portugal, il me semble qu’une route me fera bel et bien longer l’océan, magnifique 🙂

  3. Babo

    Coucou ? Bien remis de tes émotions? jambes coton ou jambes béton ce matin? Tu vas montrer ton vélo pour une révision ou seulement pour commander la sacoche? Prends patience (« aptitude à persévérer dans une activité de longue haleine, sans se décourager  » Pt -Robert ) et profite du soleil et de la température clémente pour te reposer un peu ! Ici, -5° à 7h00.. et vent du Nord..brrr
    Sois prudent
    On pense à toi Bisous

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