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Le voyage, à fond et au fond

Maxime Argentine 4 Commentaires

Retour à la réalité de ma vie de cycliste nomade après deux semaines de road trip all-inclusive avec ma maman. J’opère la transition en douceur et troque l’hôtel contre une auberge et la voiture pour un bus. Remise en selle à Chos Malal à 500 kilomètres au nord de Bariloche dans un décor tout autre. Au revoir lacs, forêts et zones touristiques, me voilà dans des paysages désertiques et des villages où le touriste ne met rarement que rarement les pieds.

J’englouti un hamburger grand comme ma main ouverte et j’enfourche ma bécane sur la ruta 40. Bien que célèbre cette route n’en est pas moins ennuyante et je bifurque vite fait sur une piste sableuse rejoignant le volcan Tromen. L’ascension est ardue…les restaurants de ces derniers jours me clouent au sol. Au sommet, un berger semble vivre seul dans une sorte de cabane-grotte en roche volcanique . Le crâne ensanglanté d’un mouton fraichement tué est suspendu à l’entrée. J’y campe tout de même en compagnie d’une famille argentine venant ici « chaque année en vacances »…

En Argentine, la Patagonie est délimitée par le fleuve Barrancas (ou Rio Grande) séparant également les provinces de Neuquen et de Mendoza. Je marque le coup et plante ma tente non loin de l’eau. De fortes bourrasques me poussent à bien sardiner ma maison mais je ne m’inquiète pas plus que ça. La nuit tombée, le vent forci et je sors pour ajouter des pierres sur les sardines….et là je me rends compte qu’une tempête de sable éclate. Je me réfugie dans ma tente et essaye de dormir en me disant « que ça ira mieux demain ». Le vent hurle et ma tente danse. Le sable si fin qu’il s’infiltre partout. J’ai confiance en mon équipement et ce genre de situation a tendance à m’amuser. Au moment où j’entends les sardines sauter les unes après les autres et un tendeur se rompre, je sens que je perds le contrôle de la situation et l’amusement disparait aussitôt. Je range toutes mes affaires en 2-2, plie ma tente comme je le peux, harnache le tout sur mon vélo avec de la corde et quitte cet enfer au milieu de la nuit. A la lumière de ma lampe frontale, je pousse mon vélo en direction de ce qui m’a semblé être la veille des ruines de maisons. Un gars avec une torche s’approche de moi…et je me retrouve aussitôt à dormir dans la cuisine des gardes frontière, entre le mur et la table de ping pong, les cheveux transformés en carton par le sable.

 Je quitte le poste frontière le lendemain et ne roule qu’une vingtaine de kilomètres dans le desert avec un fort vent de face. Le jour d’après même tarif. J’oscille en danseuse entre 5 et 8 km/h, je suis fatigué, j’ai le moral au niveau des roches constituant le paysage. Je me suis toujours dit que je n’hésiterais pas à sauter dans un camion quand j’en sentirais le besoin mais ma fierté d’aller au bout de chaque étape et ma confiance en mes capacités ont continuellement occulté cette pensée. Cependant l’expérience d’il y a deux nuits a changé quelque chose dans ma perception du plaisir que je ressens au fil de ce voyage. En tant que novice du voyage à vélo, je me suis probablement trop basé sur ce que d’autres voyageurs affirment apprécier pour me construire un idéal et un objectif. Je saute dans un camion pour les 70 kilomètres jusqu’à Bardas Blancas pour une première expérience de stop et me sens terriblement heureux au côté de Juan Carlos…

Malgré le ciel nocturne bien étoilé, je me réveille sous la pluie. J’en profite pour visiter les grottes de Las Brujas dans lesquelles on a plutôt tendance à ramper qu’à marcher et où les stalactites/mites sont tout juste visibles. Rien d’impressionnant là dedans quand on s’est déjà baladé dans les grottes de Jeita au Liban…

De Malargue à Pareditas, le menu du jour est copieux mais simple. Ligne droite de 50 km pour l’entrée, une autre de 80 km pour le plat principal, et 100 autres en guise de dessert. Je vomis avant la fin du dessert et prend le café dans un pick-up.

Réveil à 2h du mat’’ dans les vestiaires du centre sportif du village de San Carlos où j’ai été invité à dormir la veille. Il y a de l’agitation à l’extérieur, j’entends des camions, des voix. Le matin, des enfants et leur parents attendent je ne sais quoi, des matelas sont entreposés à l’entrée, une dame cuisine des kilos de riz. Je ne percute pas tout de suite la situation et pose des questions mais comme d’hab’ en espagnol, je ne comprends rien quand il ne s’agit pas de causer vélo, voyage et endroit pour dormir.  Déclic au fil de la journée, je cerne d’où viennent tous ces gens. Les grosse intempéries de la veille ont inondé tout un quartier et la commune hébergent les habitants. Je me vois relocalisé dans l’armoire à balais par le directeur mais Pedro m’invite à passer la nuit chez lui. Sa femme est professeur d’anglais ce qui facilite la communication mais je sens tout de même que mon niveau d’espagnol s’est amélioré !

Sur la route 40 en direction de Mendoza se succèdent pare-brises éclatés, pneus déchirés et chiens pas bien épais. Le trafic y est dense de camions et la mort rôde à ma gauche. En voulant éviter d’entrer dans Mendoza à la tombée de la nuit, j’erre dans sa banlieue à la recherche d’un camping. On m’envoie à droite, à gauche, de revenir sur mes pas. Deux patibulaires ont suspendu des cannes à pêche au grillage bordant un fleuve et chiquent une sorte de pâte noire, bière à la main. Bien conscient que les apparences sont trompeuses qu’avec un sourire tout coule plus facilement, je les questionnent sur un éventuel camping pas cher. Ils crachent sur tous le camping du coin, me tapent sur l’épaule et me disent d’aller chez Alfredo.

« Tu vois, Alfy c’est notre ami et il est super cool, il habite de l’autre côté du fleuve. Tu passes le pont, ensuite à droite, puis le portail. C’est la dernière maison. Si tu trouves pas reviens ! »

Ma grille de Sudoku contenant quelques mots pour à Alfredo en poche, je les remercie et me rends au lieu-dit. Un berger allemand m’accueille crocs dehors et bien que ce voyage à vélo m’ait appris à livrer sévèrement bataille aux chiens à coups de bâton, je me retiens sous peine de devoir repartir à la recherche d’un camping et recule en appelant.

Alfredo vient à ma hauteur de je lui tends mon laissez-passer.

« Hm, alors comme ça t’es leur ami ? »

« Euh non pas du tout, enfin si…»

« Depuis longtemps ?»

« Bah 10 minutes pas plus »

« … tu peux camper là, sous les arbres. Et attention au chien »

« Youhou merci beaucoup ! »

Au moment de manger, toute sa famille m’invite à cuisiner à l’intérieur et comme à chaque discussion de fond avec des argentins, on me fait part de la situation économique actuelle. Inflation de folie où seuls les riches peuvent épargner en achetant des masses de dollars US, des salaires ne suivant pas l’explosion des prix (400% sur le gaz), gouvernement corrompu, taxe de 50% sur tous les produits importés…

Je repars le matin avec la spécialité de la région dans mes sacoches, une bouteille de Malbec, le principal cépage de la région puis passe quelques nuits dans une auberge à Mendoza.

Arrivée à la ville d’Uspallata deux jours plus tard après avoir franchi mon premier col à plus de 3000 mètres via la route 52 et ses 365 lacets. Je retrouve Dallas, un ami cycliste cinquantenaire rencontré au début de mon périple sud-américain, et le convaincs de m’accompagner pour l’ascension du col d’Agua Negra culminant à environ 4800 mètres. On suit pour un temps le fleuve San Juan par une route en mauvais état sillonnant le flanc de falaise et me replonge quelque peu dans les paysages de la route australe. Quelques belles montées et descentes jusqu’à Las Flores où nous campons derrière la station service. Au matin je fais le plein de nourriture dans un horrible magasin pas-self-service-du-coup-tu-recois-ce-que-la-vendeuse-veut-bien-te-donner. Impossible de ne rien oublier si je n’ai pas tout sous les yeux ! Je me retrouve avec des légumes bien pourris, quelques pommes vieillottes…mais bon on fera avec !

Commentaires 4

  1. Giorgio

    Oui oui je suis revenu en France ou j’arrete pas de faire de super experiences et rencontres.
    Je me sens de devoir rendre un peu a ce beau pay qui mèa beaucoup donné. Maintenant je me dirige sur la cote Atlantique pour rejoindre les Pays Bas, l’ Allemagne et j’espere l’Europe de l’est. Le temps passe vite.
    Toujours un plaisir de te lire

  2. Line

    Enorme comme tu racontes tout ça 😀 On s’y croirait! « Je me vois relocalisé dans l’armoire à balais » :’-D ahahah (enfin le contexte ne devait pas être drôle…, mais cette phrase a fait ma soirée :-D) Merci de nous faire partager toutes ces aventures 🙂 Belles découvertes pour la Bolivie alors! Profite et fais attention à toi! A bientôt

  3. Jaquier Florence

    Merci pour tous ces beaux paysages, ces belles photos qui nous font voyager depuis notre bon fauteuil sans oublier le bon commentaire!
    Une collègue de ta maman!

  4. Thomas

    T’en auras vraiment bavé ! Mais ça fait quand même rêver 😀

    Heureux que tu aies trouvé TA manière de voyager, parce que c’est peut-être ça le plus important non ? 😉

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